Création d’une Réserve Biologique Intégrale – Intervention – session du 26/09/2024


Yann Soulabaille, conseiller départemental, vice-président délégué à la biodiversité, aux Espaces Naturels Sensibles et à l’eau, a présenté lors de la dernière session départementale, le projet de création de Réserve Biologique Intégrale sur l’espace naturel sensible de la fôret de Corbière en Ille-et-Vilaine.

Voici son exposé complet, avec un extrait sonore :

Il vous est proposé aujourd’hui la création d’une réserve biologique intégrale sur l’espace naturel sensible de la forêt de la Corbière.

Tout d’abord, quelques mots sur la Corbière

  • La forêt de la Corbière est la propriété du Département depuis juin 2002.
  • Elle est située sur les communes de Châteaubourg, La Bouëxière, Marpiré et Saint-Jean-sur-Vilaine.
  • La surface de cet espace naturel sensible est de 630 hectares d’un seul tenant avec un étang de 9 hectares.
  • Les habitats forestiers sont pour la plupart des habitats d’intérêt communautaire
  • Cette forêt est ouverte au public et accueille un nombre de visiteurs pratiquant la randonnée ainsi que la cueillette de champignons.
  • La fédération des chasseurs d’Ille-et-Vilaine assure la gestion cynégétique de la forêt, tandis que la gestion piscicole et halieutique de l’étang est confiée à la fédération départementale pour la pêche.
  • Une sylviculture raisonnée est actuellement en place
  • La Corbières représente 1% de la forêt brétilienne
  • Un sentier pédagogique de 3,5 km et différentes animations contribuent à la sensibilisation du public à la préservation de ce site.
  • La forêt de la Corbière bénéficie du régime forestier depuis 2005, ce régime étant confiée par la loi à l’Office national des forêts
    • Le régime forestier vise à assurer la conservation et la mise en valeur du patrimoine forestier des collectivités territoriales, des établissements publics et de l’Etat. La mise en œuvre de ce régime est confiée par la loi à l’Office national des forêts, chargé de garantir une gestion durable des espaces naturels tout en préservant l’intérêt du propriétaire.
    • L’objectif de ce plan est de gérer de manière durable la forêt pour permettre à la société de bénéficier pleinement de tous les services offerts par la forêt (biodiversité, bien-être, promenade, prévention des risques naturels, production de bois…).

Alors qu’est-ce que c’est une RBI ?

  • C’est un outil de protection réglementaire en faveur de la protection des habitats forestiers dits « communs » et représentatifs de la forêt française qui présentent des caractéristiques les plus proches possibles des forêts spontanées.
  • Ce sont des réserves consacrées à la libre évolution, c’est-à-dire dont on extrait toute action humaine.
  • En France métropolitaine :
    • Il existe 72 RBI en France
    • 3 réserves biologiques en Bretagne :
      • Landevennec (29) sur 73ha
      • Malvran (56) sur 121ha
      • Coat an Hay (forêt domaniale)
    • Aucune RBI à jour en Ille-et-Vilaine (35)
    • la surface des réserves varie d’une cinquantaine d’hectares à plus de 2 500 hectares.
  • Le propriétaire doit faire la demande de création auprès de l’Office national des forêts qui instruira le dossier et sollicitera l’avis du Conseil national de la protection de la nature.
  • Un arrêté interministériel conclura cette procédure qui s’étale sur 2 années minimum.

*Pourquoi une RBI sur Corbière ?

6 objectifs propre à ce projet de RBI.

La création de cette réserve permettra :

  1. L’accroissement d’une biodiversité spécifique propre à la forêt bretonne, tant au niveau de la flore que la faune.

Il faut savoir que 25% de la biodiversité forestière est associée au stade sénescent (= vieillissement des organismes) de la forêt.

De plus, le fait de développer une plus grande naturalité du site permettra la création de zones de tranquillité favorisant l’installation d’espèces très sensibles au dérangement, telles que des oiseaux forestiers nicheurs rares en Ille-et-Vilaine (cigogne noire, balbuzard pêcheur…).

  • 2 – D’améliorer le bilan et le stockage carbone de ce boisement. Comme vous le savez, les scientifiques ont démontré l’intérêt et le rôle des forêts non exploitées ou en libre évolution en faveur de la séquestration du carbone, tant au niveau du sol que via les surfaces foliaires et les systèmes racinaires denses.

*** D’ailleurs, je ne sais si vous avez eu l’occasion de lire l’article du Monde du 30 juillet dernier sur le stockage du carbone en 2023 versus 2022 

  • Les puits de carbone terrestres se sont effondrés en 2023
  • Les forêts et les sols ont seulement absorbé entre 1,5 milliard et 2,6 milliards de tonnes de CO2 en 2023, loin derrière les 9,5 milliards de 2022, notamment en raison de la sécheresse en Amazonie et du fait des incendies au Canada et en Sibérie
  • Si cet effondrement se reproduisait dans les prochaines années, nous risquons d’observer une augmentation rapide du CO2 et du changement climatique au-delà de ce que prévoient les modèles ***
  • Pour revenir à la Corbières, un suivi spécifique sur la séquestration du carbone sera donc mis en œuvre.
  • 3 – Une autre finalité de cette RBI est de faire de cet espace, une véritable forêt « laboratoire » face aux défis du dérèglement climatique.

Plusieurs approches scientifiques pourront notamment être engagées et en particulier évaluer la résistance et l’évolution de ce boisement dans le temps face au dérèglement climatique.

Un appel à manifestation d’intérêt pourra être lancé auprès de différentes universités et grandes écoles françaises pour traiter ces sujets.

  • cette RBI = laboratoire vivant pour faire travailler avec le monde de la recherche et le monde naturaliste sur la libre évolution
  • Observatoire de la dynamique naturelle sur le long terme; 
  • Intégration dans les réseaux UICN / liste verte

Je précise que toutes ces études seront également particulièrement suivi par l’ONF mais également par les acteurs du bois.

  • 4 – Contribuer à la stratégie nationale biodiversité

Pour ceux qui ne le savent pas, la « stratégie nationale pour les aires protégées » une politique publique initiée dans les années 2010 et qui ambitionne de protéger 30 % du territoire national et des eaux maritimes d’ici 2030, dont 10 % en protection renforcée.

La forêt de la Corbière, via ce statut de RBI, intégrera les aire naturelles en protection forte ce qui permettra au Département de contribuer de manière significative à la stratégie nationale en faveur de la biodiversité.

Cela est d’autant plus important que :

  • La Bretagne est en retard dans la mise en place de cette « stratégie nationale pour les aires protégées » par rapport aux autres régions de France
  • Et qu’au sein de la Bretagne, l’Ille & Vilaine est la moins bien pourvu en termes d’aires protégées (7,17%) et en zones sous protection forte (0,04%)

Cette RBI répond donc complètement à la sollicitation nationale et régionale en lien avec la « stratégie nationale pour les aires protégées »

. 5 – Ce projet a également vocation à s’inscrire dans le cadre local puisque l’EPCI « Liffré Cormier Communauté » est fortement engagée dans une démarche de préservation de son patrimoine naturel, de ses forêts et  de son bocage

  • Je pense bien sûr au site Natura 2000 du Complexe forestier de Rennes (Liffré, Chevré, étang et lande d’Ouée, forêt de Haute-Sève) qui s’étend sur 7 communes rurales au nord de l’agglomération rennaise, mais je pense également à l’engagement volontariste de la commune de La Bouexière en faveur de la préservation et de la restauration de son patrimoine, accompagnée pour cela par le Département sur différents projets (mise en place d’une zone de préemption +  démarche en cours de labellisation espace naturel sensible de l’étang de Chevré).

Le statut de RBI attribué à la Corbière contribuera à faire connaitre et reconnaître la valeur des boisements de ce territoire.

  • 6 – Des attentes sociétales fortes de la part des citoyens

Enfin, ce projet de RBI a également pour finalité de répondre à une attente sociétale, à savoir disposer de lieux préservés qui renforcent le lien avec la nature.

* Qu’est-ce que cela signifie pour les usagers ?

A ce stade de la démarche, et sous réserve d’instruction officielle par l’Office national des forêts, les conséquences sur la forêt de la Corbière sont les suivantes :

  • à terme la forêt ne fera plus l’objet de coupe ni d’extraction de bois. Une phase de transition devrait permettre de terminer plusieurs opérations de gestion forestière en cours, avant que l’activité forestière ne soit arrêtée définitivement
  • la forêt restera accessible au public, en particulier sur le sentier de découverte déjà aménagé ;
  • la chasse, dans le cadre de la gestion cynégétique de régulation telle qu’elle est aujourd’hui pratiquée, sera maintenue ;
  • la pêche restera possible;
  • la cueillette de champignons sera toujours possible par contre le règlement précisera dans quelles conditions et sur quels secteurs.

Le statut de RBI impliquera la rédaction obligatoire d’un règlement de la réserve qui précisera les activités/usages qui seront autorisées ou pas sur le site.

C’est un document qui sera travaillé avec l’ensemble des acteurs/usagers du site, les habitants des communes concernée, les associations le tout sous l’égide bien sur de l’Office national des forêts.

Qu’est-ce que cela signifie pour les équipes départementales ?

En effet, une équipe de 6 agents travaille sur le site.

Pour les deux prochaines années, l’activité de l’équipe espaces naturels sensibles en place sera maintenue pour assurer les coupes et interventions qui restent à mener en respect du plan d’aménagement en cours.

Pour la suite, et comme j’ai pu l’expliquer précédemment, un certain nombre d’actions et interventions seront maintenues :

  • lutte et traitement des plantes invasives,
  • entretien des abords des pistes de défense forestière contre le risque incendie,
  • entretien et sécurisation du sentier de découverte,
  • entretien et gestion des surfaces qui n’intégreront pas la réserve (environ 74 hectares).
  • En d’autres terme, il va rester plein de travail sur Corbière
  • Mais on va également mener un travail avec les agents pour accompagner la mise en œuvre de cette RBI,

Qu’elles sont les prochaines étapes ?

  • D’ici fin 2024
    • Rapport d’opportunité de l’Office National des Forêts (ONF) à Avis de l’ONF quant à l’opportunité de transformer un site en RBI
  • 2025-2026
    • Elaboration du plan de gestion de l’espace naturel et du règlement de la réserve biologique intégrale (= usages / co-construction & concertation animé par l’ONF)
      • Concertation spécifique sur le règlement
      • Au moins une réunion annuelle du Comité de gestion sur tout le temps d’élaboration de la démarche
    • Transmission du dossier pour avis auprès des services de l’Etat et des maires.
  • 2027
    • Présentation au Conseil national de la protection de la nature.
    • Validation du projet définitif qui sera soumis à l’Assemblée avant de demander de demander à l’Etat de créer la RBI par arrêté ministériel
      • Il faut exclure de faire voter le règlement indépendamment du reste ; c’est un tout.
    • Arrêté interministériel

D’ailleurs, Monsieur le Président, suite aux échanges de la commission 1 de jeudi dernier et pour répondre à une demande de la minorité, il est proposé d’amender les conclusions du rapport pour ajouter un point supplémentaire de décision, à savoir ;

  • « De prévoir l’adoption par l’Assemblée du projet définitif, incluant notamment le règlement de la réserve et le plan de gestion, avant de solliciter la création de la réserve par arrêté ministériel»

En synthèse et en conclusion, c’est un projet audacieux qui, vous l’avez compris, est à son tout début, qu’il reste à co-construire avec l’ensemble des usagers et acteurs du site.

C’est un projet :

  • Qui prend en considération la question du dérèglement climatique
  • Qui prend en compte les attentes sociétales
  • Qui prend en compte la question de la biodiversité
  • Qui s’inscrit dans les politiques/les obligations nationales & régionales en lien avec la stratégie nationale des aires protégées (et qui également par la même occasion fait que l’Ille & vilaine ne sera plus le seul département breton a ne pas avoir de réserve biologique)
  • Qui s’inscrit sur un territoire local qui portent de nombreuses initiatives et projet en faveur de la préservation de son patrimoine naturel
  • Et, enfin, c’est un qui va permettre de disposer d’un véritable laboratoire pour les scientifiques qui vont ainsi pouvoir étudier l’évolution de ce massif forestier, études qui seront particulièrement attendus et analysés par l’ONF et autres acteurs du bois.

Pour toutes ces raisons, il vous ait demandé :

  • d’autoriser le Président à solliciter auprès de l’Office national des forêts l’engagement de l’instruction pour la mise en place d’un statut de réserve biologique intégrale sur 560 hectares du massif de la Corbière ;
  • d’engager une démarche scientifique exemplaire pour observer l’évolution du vivant, évaluer le volume de carbone séquestré, et constater globalement l’adaptation d’un massif forestier en évolution libre face au dérèglement climatique