Session départementale du 18 avril 2024 – Intervention de Politique Générale


Retrouvez ci-dessous l’Intervention de Politique Générale de notre groupe Écologiste, Fédéraliste et Citoyen, par la voix d’Olwen DÉNÈS, complétée par un extrait sonore :

INTERVENTION DE POLITIQUE GÉNÉRALE
SESSION DES 18 ET 19 AVRIL 2024

« Il faut donc collectivement, au-delà des clivages politiques, nous atteler, penser et mettre en place des politiques fortes de l’emploi. »

Le président l’a de nouveau rappelé en introduction de cette session, nos inquiétudes concernant l’évolution de nos recettes et de dépenses perdurent. La situation financière des départements, de notre département est toujours aussi préoccupante, session après session.


Alors que nous allons débattre aujourd’hui de rapports présentés par notre collègue Caroline Roger-Moigneu autour de l’insertion sociale et professionnelle, le climat social nous alarme tout autant.
Nous allons parler du cadre du déploiement des dispositions de la loi sur le plein emploi, de la poursuite de l’expérimentation France Travail, de la validation du nouveau contrat local des solidarités et de la convention départementale pour l’insertion et l’emploi.

Mais dans ce contexte, en plus de la suppression annoncée sans concertation de l’Allocation de Solidarité Spécifique que beaucoup d’acteurs de la solidarité dénoncent, le Premier Ministre a dernièrement exprimé sa volonté de réformer une nouvelle fois l’assurance chômage, visant notamment à la réduction des durées d’indemnisation.


L’ensemble de ces mesures sont un risque majeur pour les plus vulnérables fortement exposés à un basculement dans la grande précarité. Ces annonces, si elles se concrétisent, vont peser d’autant plus sur les départements qu’ils devront assurer la prise en charge financière des allocations et l’accompagnement de celles et ceux qui tomberont dans le RSA. Il n’y a déjà plus qu’un chômeur sur deux qui est indemnisé et la situation va s’aggraver.

La tâche est ardue, nous devons donc poursuivre nos actions dans l’esprit de notre engagement dans l’expérimentation France Travail, loin d’une prétendue chasse aux pauvres mais pour un accompagnement humain et renforcé. Notre ambition demeure l’accompagnement avec dignité des plus vulnérables dans leur émancipation, dans leur avancée vers la sortie de la pauvreté.


Cela ne peut se faire sans le renforcement de nos moyens humains dont la charge de travail grandit et dont les conditions d’exercice sont parfois complexes. Le déploiement national de France Travail en 2025 ne doit pas se faire, ne peut pas se faire sans moyens adéquats pour l’accompagnement. L’expérimentation actuelle nous montre bien que ce sont les moyens humains supplémentaires qui permettent un accompagnement de qualité.


La remise massive en emploi des personnes qui en sont dépourvues avec comme seul objectif le plein emploi peut aussi interroger. Est-ce notre seule boussole ? A quand une grande réflexion nationale autour de la pénibilité, des horaires hachés, des temps partiels subis, des statuts précarisant mais aussi des rémunérations les plus basses. Les travailleurs pauvres qui sont plus de deux millions aujourd’hui, avec un seuil de pauvreté à 60% du niveau de vie médian à 1 102 euros par mois. Le travail doit payer, mieux payer et permettre de vivre dignement. Il nous faut le plein emploi et la qualité de l’emploi.


Plutôt que de continuer d’appauvrir et de stigmatiser les chômeuses et les chômeurs, il faudrait que l’ensemble des acteurs publics aillent dans le même sens, qu’ils aient une politique de l’emploi ambitieuse. Dans son dernier recensement de février 2024, la DARES comptabilisait 363 300 emplois vacants en France alors que l’INSEE dénombre 5 129 600 chômeurs toutes catégories confondues. Il y a dans notre pays un emploi vacant pour plus de 14 personnes sans travail.
Nous pouvons donc disserter longtemps sur les entreprises qui peinent à recruter mais même si l’ensemble des postes vacants étaient pourvus il y aurait toujours plus de 4,8 millions de personnes sans travail. Il faut donc collectivement, au-delà des clivages politiques, nous atteler, penser et mettre en place des politiques fortes de l’emploi.


Nous parlons souvent des transitions au sein de cette assemblée, beaucoup pour exprimer nos craintes vis-à-vis de la question climatique et de ses conséquences. Mais la transformation écologique de notre société est aussi un des viviers énormes d’emplois pour l’avenir, pour l’ensemble de nos territoires. Le réseau action climat, après étude, pense qu’il y a plus d’ 1,1 millions d’emplois qui pourraient être créés dans ce sens dans différents secteurs.


C’est donc notamment vers ces entreprises déjà installées et celles en création que la puissance publique doit se tourner. Je pense par exemple à l’entreprise Systovi en Loire-Atlantique, qui produit localement des panneaux solaires, qui a été placée cette semaine en liquidation judiciaire alors qu’elle manque cruellement de soutien public face au dumping social chinois. Maintenir des entreprises stratégiques et d’avenir en France, c’est aussi maintenir de l’emploi en France. Il y a plus de 160 milliards d’euros d’aides publiques aux entreprises chaque année, il faut pouvoir les conditionner et les réorienter vers celles et ceux qui gardent de l’emploi local.

En plus du maintien des activités sur nos territoires, il faut soutenir les entreprises et les initiatives qui vont dans ce sens. C’est le sens de la délibération qui vise à augmenter le capital d’Energ’IV et de la volonté des acteurs publics locaux de décupler les installations locales de production d’énergies renouvelables en Ille-et-Vilaine d’ici 2030. Les investissements des collectivités sont essentiels à la transition énergétique et à l’emploi local.


Récemment, Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, appelait les collectivités territoriales à être responsables et ambitieuses, à faire des économies dans les prochaines années, notamment freinant leurs investissements, tout en rappelant que les collectivités étaient des bonnes gestionnaires, que leurs comptes sont sains. On marche sur la tête. Alors que les collectivités pèsent plus de 75% des investissements publics, alors que nous devons par exemple investir massivement dans nos collèges, nos CDAS, nos mobilités, le gouvernement nous parle de limitation de notre action et de responsabilité.


Nous faisons face à un accroissement inédit des besoins sociaux ainsi qu’à l’effondrement de nos recettes et nous tentons malgré tout de maintenir nos investissements. Nous étions toutes et tous fiers hier lors de l’inauguration du nouvel Espace Social Commun Simone Iff dans le quartier de Maurepas à Rennes. Ce nouvel équipement, salué par les professionnels et les habitants a pu voir le jour grâce à la coordination et l’ambition des collectivités. Il est essentiel à la vie de ce quartier, à la réalisation de nos missions de service public. Devrait-on freiner la construction de nos structures sociales ? Que l’Etat balaye donc devant sa porte avant d’envisager de venir contraindre de nouveau les collectivités. L’appel à la solidarité ne peut pas être à sens unique. La sensation de ramer à contre-courant est parfois épuisante.

Une réforme fiscale des collectivités s’impose, elle est demandée par toutes les strates. Nous devons retrouver une autonomie fiscale et un pouvoir de taux pour pouvoir agir en responsabilité. C’est le sens du vœu trans-partisan que nous allons examiner en fin de session, qui je l’espère sera voté à l’unanimité, ce qui serait un signe fort à destination de l’État.


Olwen DENES, coprésident du groupe EFC,